L'Astronome Eclipse

Ma promenade automnale...

Ah, les saisons! Elles ont toutes du charme. Chacune possède ses propres couleurs, ses températures, mais aussi son ciel! Les astronomes se plaisent à observer en Hiver sous la voûte céleste la plus chargée de l'année; au Printemps qui offre de belles curiosités toutes imprégnées du parfum de la rosée; en Eté où l'on ne craint pas vraiment la pluie ni la fumée des cheminées! Puis vient l'automne. 

L'Automne... cette période de l'année qui symbolise la fin des vacances et la rentrée! Après avoir exploré le grand Triangle de Véga, Deneb et Altaïr jusqu'à n'en plus vouloir, nous arrivons en Octobre... Un nouveau ciel arrive et nous surprend presque soudainement. On recommence à braver la météo pour alors découvrir un spectacle étonnant... 

 

En ce mois d'Octobre 2011, mes observations automnales sont commencé avec un évènement dont le nom est assez paradoxal, quoique significatif: il s'agit du Jour de la Nuit. Si vous lisez mes précédents CROAs, vous constaterez que je fais partie de ces astronomes qui s'engagent contre l'invasion de la pollution lumineuse sur notre belle planète. Il n'est donc pas surprenant de voir que je tenais absolument à participer au Jour de la Nuit, organisé le Samedi 8! Clin d'œil Pour l'occasion, je me suis rendu une fois de plus dans la Provence Verte, à l'Observatoire de Rocbaron. Quelques amis m'ont rejoint (parmi lesquels Régis que je salue au passage), et le club Cassiopée s'est réuni aux pieds des coupoles. Nous étions sous un ciel très pur. Le Mistral était là aussi, se faisant toutefois discret. Sa mission ne consistait pas à scruter les étoiles, mais plutôt à courtiser les nuages et les emmener au loin! Fidèle à lui-même, ce dernier n'a pas manqué à sa tache, pour notre plus grand bonheur. 

Nous autres astronomes, petits insectes surexcités à tes pieds, sommes devant toi ô voûte céleste, toi qui te pares d'un manteau étincellant, une parure scintillante que seul l'Automne met en relief! Ta beauté et ta richesse sont inversément proportionnelles à notre pauvre langage qui tente en vain de te décrire par des mots justes. J'ai un jour parlé de splendeur céleste... là, nous avons droit aux secrets de l'Automne: comme attirés par les fraîches odeurs de la forêt, nous savourons les mets de l'Univers... Un délice, un plat cosmique raffiné, où même les champignons ne sont plus vénéneux! Rigolant

C'est avec trois coupoles et une vingtaine d'instruments que nous comptions accueillir les curieux du ciel... qui furent au rendez-vous! Alors plutôt que de patienter, chaque astronome s'est occupé à pointer un objet: Jupiter dans la grande lunette de 232mm, Andromède dans un newton de 254mm, Albiréo dans mon 114/900... de grands classiques! On pourrait d'ailleurs se demander si, à force d'observer des objets comme M31, de telles merveilles n'auraient pas tendance à s'approcher de nous...! Clin d'œil

Finalement, le public a apprécié, et ce malgré le froid qui aurait pu en décourager plus d'un. Des hommes, des femmes, tout autant d'adultes qui jetaient un oeil à l'oculaire. Toutefois, quelques enfants se sont montrés... ces derniers voulaient très probablement partir à l'aventure à travers les nébuleuses, au delà des étoiles et planètes. Comme des explorateurs se lançant vers l'inconnu, ces petits astrams en herbe ont pris plaisir à chercher la grande tache rouge de Jupiter ou encore le fin voile bleu des Pléiades. Quoi de plus beau en effet que ces oeuvres infiniment lointaines! Mais peut-être qu'à l'heure actuelle, ces enfants rêvent d'une fusée qui les emportera un jour dans l'espace, à destination de l'Ultime Frontière, que seuls l'Enterprise et l'imagination sont capables d'atteindre... 

 

Minuit; un bref retour à la réalité. Voilà qu'un camarade me propose de chercher M15. Lui armé du célèbre Pocket Sky Atlas (PSA pour les intimes), moi installé aux commandes du 114/900 paré d'un oculaire de 20mm, nous avons alors entrepris de trouver cet amas globulaire par la méthode des cheminements d'étoiles. Une telle pratique exige un ciel de qualité car en ville, il est parfois difficile de voir les étoiles-repère les moins lumineuses! Oh, quelle recherche intéressante! Devrait-on partir de la constellation de Pégase ou du Chien?  Le cheminement par Pégase ayant été totalement infructueux (!), nous sommes donc "passés" par le Chien. Trois ou quatre étoiles doubles, un astre orangé indiquant le chemin à suivre, et nous avons fini par atterrir à bon port: là gisait un groupe d'étoiles assez bien constitué, d'une couleur blanche à jaunâtre, et dont les contours se dessinaient assez mal. Incertain Sur un fond de ciel très noir, les limites de l'amas semblaient en réalité floues... Cela dit, il faut avoir vu M15 au moins une fois dans sa vie pour se rendre compte qu'il est malgré tout unique. 

Avant de me retirer, j'ai remarqué que Jupiter se situait en hauteur, suffisamment en tout cas pour que son image ne soit pas affectée par l'atmosphère (ou du moins, pas autant qu'à l'horizon, ce qui est logique!)...  N'hésitant alors pas un seul instant, j'ai mis en place un appareil numérique sur un support prévu à cet effet, au niveau du porte-oculaire. Ca y est, je m'introduisais dans le monde de l'astrophoto... quel début étrange: je ne suis parvenu à photographier les bandes joviennes qu'en flashant accidentellement l'extérieur de mon tube de newton! Peut-être était-ce la première fois que l'on voyait ça en Astronomie! Eh, quitte à parler des anecdotes, autant s'intéresser désormais à la soirée d'observation que j'ai organisé le 1er Novembre, soit juste avant les tristement célèbres orages et inondations que nous avons subi sur quasiment toute la Provence pendant près de dix jours... 

 

Damnés orages! Comme des arrosoirs géants, ces sombres nuages nous ont submergé, et nous, pauvres astronomes dépendant de la météo, avons vu la terre inondée, et si les plantes n'ont donc pas manqué d'eau, les étoiles, elles, ont longuement attendu avant de se montrer à nouveau... à tel point que de mon côté, je n'ai même pas pu observer l'astéroïde 2005 YU55! Mais qu'importe: étant de nature plutôt chanceux, j'ai pu sortir mon télescope au bon moment. Et c'est ainsi qu'après le Jour de la Nuit, nous nous sommes rassemblés à l'occasion de la Nuit de la Nuit! Non, il vous serait inutile de chercher l'origine de cet évènement sur Internet ou dans les livres, et pour cause: une telle appelation a été officieusement décrétée pour cette soirée! Mais on attribuera cette idée amusante au secrétaire du club Cassiopée qui, s'il lit mes mots, se reconnaîtra et notera que j'ai bien aimé cette nouvelle anecdote...! 

Ce n'est pas tout; il est important de rappeler qu'à cette époque de l'année, la belle Jupiter ne se promène pas seule. C'est qu'elle aime la bonne compagnie! Dès lors, pendant que la géante gazeuse brillait de toutes ses forces au milieu de la nuit claire, deux autres dames s'avancaient au loin: il s'agissait ni plus ni moins de Neptune, ainsi que la "planète-20 minutes". 

[Quoi? qu'ai-je donc écrit?

"L'Astronome Eclipse est devenu fou; il invente des objets célestes au nom saugrenu, et n'en dit pas plus à ce sujet..."] 

En réalité, vous connaissez tous la "planète-20 minutes". Je n'ai rien inventé! Mais il serait trop aisé de vous livrer le véritable nom de cet objet stellaire... aussi paraît-il beaucoup plus amsuant de vous faire deviner à travers le récit de mes observations: 

La grande coupole ne présentait aucun signe d'activité, bien qu'étant ouverte. Tandis que j'étudiais les lunes de Jupiter avec attention, les autres astronomes observaient eux aussi, et nous discutions tous dans une ambiance chaleureuse. Cependant, seule une personne ne parlait pas, à savoir André Cassèse. Comme à chaque fois qu'il tente de pointer un objet céleste, on ne l'entendait pas. Mais l'habit ne fait pas le moine... il était en pleine recherche! D'un coup, au bout d'une vingtaine de minutes, nous l'avons entendu nous appeler. Me plaçant alors au bout de la grande lunette, je me suis mis à observer: on voyait là un objet de forme ronde; la moitié gauche semblait plus lumineuse que la droite. Quant à la couleur, on ne pouvait pas mieux la comparer qu'avec cette teinte bleu clair que prend parfois le Jaspe; bleu à vert, très peu foncé, presque autant qu'un turquoise qui aurait pâli avec le temps... A l'oculaire, l'objet céleste se dessinait bien sous un grossissement de 300 fois. Hélas, une fine brume est venue nous "embêter" à ce moment-là, en se logeant pile devant notre cible! Criant Quelle contrainte le ciel venait-il de nous assigner! Mais l'Astronomie est école de patience... nous nous sommes donc posé et avons ainsi attendu que l'image soit à nouveau nette... ce qui a fini par arriver. Le Cosmos se décidait enfin à nous offrir la récompense céleste tant convoitée!... 

Vous en avez désormais beaucoup appris à propos de la planète-20 minutes... Quel est donc son vrai nom? Auriez-vous une idée? 

 

Evidemment, je parlais d'Uranus. Il faut dire cependant qu'en raison de la présence de cette brume diabolique, distinguer Neptune d'Uranus n'a pas été chose facile, surtout en l'absence de détails! Mais au fond, l'étude du ciel n'est-elle pas avant tout un exercice absolu de reconnaissance des objets à partir d'une simple image? Les apparences constituent parfois des illusions d'optique qui nous trahissent beaucoup plus que n'importe quoi d'autre, mais n'oublions pas ce dont nous sommes capables face à nos observations! 

Au fait, pourquoi parle-t-on de "20 minutes"? Et bien, aussi étrange que cela puisse paraître, un bon nombre d'astronomes de mon entourage détecte visuellement Uranus en une vingtaine de minutes! Est-ce un hasard? Probablement... ce qui n'exclut pas un apsect presque comique à cette constatation! Sourire

Cette soirée quelque peu amusante s'est poursuivie au C11 de la seconde coupole. S'il fallait résumer ce qui s'est avéré être une observation plutôt "risquée" à une heure pareille en raison de la brume qui s'imposait de plus en plus, je ne dirais qu'un mot: Hélix. Oui, observer cette nébuleuse discrète qui se fond dans un brouillard lointain, c'est assez risqué, notamment dans le sens où le résultat à l'oculaire peut parfois être décevant. Cependant, "qui ne tente rien n'a rien"... dès lors, bravant le froid, mais surtout cette abominable brume qui, d'ailleurs, amplifiait le halo de pollution lumineuse de Toulon, nous avons essayé de trouver ce fameux objet céleste... coup de chance: une forme arrondie, grisâtre, est apparue à nos yeux! Cool Avions-nous finalement réussi? A moitié seulement, car les conditions étaient médiocres, ce qui dégradait fortement la beauté de notre chère Hélix. Quel dommage! Il n'y a eu aucun regret toutefois, car chacun savait à quoi s'attendre. La prochaine fois sera peut-être la bonne!... 

 

Ainsi s'est achevé cet agréable moment durant lequel j'ai pu voir des merveilles. Comme toujours, l'Univers me fascine, et de telles soirées me poussent à ressortir lors de futures nuits. La lassitude n'est pas prête de m'atteindre! Le ciel est un monde si immense et si infini que l'on n'en fait jamais le tour... Il s'agit là d'un fantastique trésor, mais pour s'en emparer, mieux vaut ne pas s'endormir trop tôt... quoique, se coucher vers trois ou quatre heures du matin, ça offre des avantages quand on est un curieux du ciel...!

Commentaires

  • Aquarellia
    • 1. Aquarellia Le 25/01/2012
    Sympa ce CROA, j’y croa d’autant plus que j’étais là… Ah!
    La planète 20 minutes je l’aime, car sa couleur et son éloignement en font une cible de choix pour nos lunettes mais aussi pour ce qu’elle cache dans ses entrailles… du diamant tu te rends compte!!! Mais dis-moi, c’est qui ce secrétaire qui se permet de rebaptiser une planète dieu de cette taille?
    Et la nuit de la nuit, pourquoi ce vocable mais… c’est car elle est la plus longue… (Eclipse). Pour nous les astronomes: vive le jour le plus court!
    Rappelle-toi, Eclipse, mais peut-être l’as-tu « éclipsé » avec tout ce que nous avions vécu cette nuit bénie par Uranus, rappelle-toi, Eclipse, nous avions aussi croqué la comète Garradd, c’était en tout début de nuit, je ne sais si c’est la vue de son opulente chevelure mais il faisait encore bien bon dans la nuit provençale…
    S’il y en a qui croquent une pomme, moi j’aime croquer des planètes, entre autres,…
    Et puis croquer, n’est-ce pas une belle corde à nos arcs de chevaliers du ciel,… si l’astrophotographie est un tantinet onéreuse et nécessite du matériel aux pixels parfois rébarbatifs, même sans flash…, l’utilisation simple d’un crayon et de son papier est parfois assez payant, le document réalisé ici:

    https://picasaweb.google.com/lh/photo/HEeEQ7LajZBCUnQGG4PY29MTjNZETYmyPJy0liipFm0?feat=directlink

    m’a coûté 6 minutes de temps cette nuit là, 20 minutes d’arc (pour le grossissement) et 7 centimes d’euro pour l’usure du crayon et la feuille de papier.
    Tu en veux encore? Vas vite voir mon petit dernier, un rêve de « webmaster » qui n’aurait pas de secrétaire… mon petit sisite tout neuf: http://astro.aquarellia.com/


    Clear skies dear!

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